Je suis devenu un fan d’iRacing depuis fin juin 2008. Mais l’irruption de cette nouvelle simulation de course auto ne fait pas que des heureux… Les critiques sont très vives sur les forums francophones !
Je me propose ici de récapituler la plupart des aspects objectivement négatifs de cette solution afin que les hésitants puissent se faire une idée en connaissance de cause…
Il ne s’agit pas ici de se répandre en imprécations furieuses comme je l’ai trop souvent lu sur des forums (et, le plus souvent, de la part d’excités qui n’avaient même pas testé iRacing…) mais plutôt de faire la part des choses afin que le débat se déroule sur de bonnes bases.
Mais, avant cela, un petit rappel est utile :
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iRacing est la nouvelle simulation de course automobile qui fait son entrée sur le marché cet été (beta-test depuis mars 2008, lancement officiel le 26/08/2008).
Cette fois, il ne s’agit pas d’un simple jeu vidéo plus sophistiqué et plus délicat à piloter que GTA ou autre, il s’agit d’une vraie simulation reprenant fidèlement le tracé des vrais circuits et modélisant des vrais voitures.
Mais l’originalité de iRacing vient du fait que cette simulation s’accompagne d’un environnement de compétition inédit avec des licences et des points de sécurité en plus des classiques championnats online. On peut dire qu’il s’agit de la première tentative sérieuse de reproduire la plupart des facettes de la course autombile à travers une application Internet.
Voir à http://en.wikipedia.org/wiki/IRacing
Et ce lancement n’est pas une tentative timide d’une start-up sans référence : il s’agit du retour de Dave Kammer (le créateur de Grand Prix Legend et de Nascar 2003) qui a réussi a rassembler les grands moyens pour cette nouvelle aventure !
L’investissement dans iRacing se monterait à plusieurs dizaines de millions de Dollars…
Ce retour de Kammer dans l’arène de la simulation se fait en proposant un business-modèle inédit dans ce secteur : la location au mois plutôt que l’achat « sec » du logiciel. Cette formule est bien connue dans de nombreux secteurs du jeux vidéo (avec des succès mondiaux comme World of Warcraft) mais n’avait pas encore été essayé sur des applications de simulations sportives.
L’accueil d’iRacing a été très bon alors que l’accès est encore réservé à quelques « invités ». On peut prévoir que le succès sera massif dès que le service ouvrira ses portes au « grand public ». Le succès médiatique de iRacing est déjà en cours puisque des grands noms du sport auto US s’affichent déjà comme des pratiquants enthousiastes.
Le succès public va suivre logiquement car iRacing n’est pas qu’un logiciel, c’est un environnement de compétitions qui n’a pas son équivalent.
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Voilà pour le rappel du contexte.
Maintenant, voyons les aspects négatifs car il y en a…
1- tout est en anglais
L’interface de iRacing est entièrement en anglais. La documentation pratique est maigre alors que le « sporting code » (les règles du jeu en quelques sortes…) est un document PDF assez conséquent, le tout en anglais. Il est douteux que tout cela soit traduit rapidement dans les différentes langues des marchés visés (ça n’est pas annoncé sur le forum officiel, canal officiel d’informations et d’échanges entre iRacing et ses clients).
Moi, ça ne me gêne pas (que tout soit en anglais) mais je comprend que ça peut en rebuter quelques-uns…
Cette question de l’anglais n’est pas anecdotique : l’audience de iRacing est très internationale et l’anglais y est la langue naturelle… Si vous n’êtes pas capable de vous exprimer en anglais, comment allez-vous converser avec les autres pilotes ?
2- on paye au mois
La possibilité d’utiliser iRacing est lié au paiement d’un abonnement mensuel. Arrêtez de payer et vous n’avez plus accès au logiciel, point !
C’est très différent d’acheter un programme sur CD/DVD (ou à télécharger) une fois de l’installer et de s’en servir comme bon vous semble et quand vous voulez…
Aujourd’hui, l’abonnement mensuel est à $13 (soit moins de 10 euros ou encore moins selon les fluctuations du cours des monnaies) mais rien ne garantit que cela ne va pas augmenter à l’avenir (ne serait-ce que si le $ remonte…).
C’est clair que ce n’est pas le même prix qu’un achat « sec » une seule fois et là, c’est surtout la perception du prix qui va jouer… Ceci dit, cet abonnement peut aussi baisser ou rester stable, il est difficile de s’avancer sur ce domaine.
Tout ce qu’on peut en dire, c’est que ce mode de paiment est déjà l’oeuvre dans de nombreux jeux en ligne dit « massivement multi-joueurs » comme World of Warcraft ou d’autres. Ces applications ont tout intérêt à faire croitre leur base de joueurs (et donc ne s’amusent pas trop à « jouer sur le prix de l’abonnement ») puisqu’on est là dans un mécanisme typique de réseau social => le monde appelle le monde, plus il y a de joueurs actifs et plus il y en aura. La masse d’abonnés représente la meilleure forme de « contenu » qui soit : c’est la garantie que vous allez trouver des adversaires de votre niveau pour la course que vous avez choisi…
A ce niveau, la masse fait toute la différence et c’est, in fine, bien cela qu’on « achête » : le droit de rejoindre une communauté dense et diversifiée.
3- il faut acheter les voitures & circuits supplémentaires
Non seulement il faut payer tous les mois mais, en plus, il faut aussi systématiquement payer si on veut élargir le package de base « voitures/circuits » !
En effet, vous ne disposez au départ que de deux voitures (une pour les épreuves sur circuits routiers et une autre pour les courses sur circuits ovals) et de quatre circuits.
Si vous obtenez votre licence de niveau « D » (le niveau juste après le stade « rookie ») et que vous voulez disputer le championnat qui se courre avec les petites monoplaces Skip Barber, il faut alors acheter la voiture ($15) et les circuits nécessaires (de $15 à $20 selon les tracés).
Ce côté « il faut passer encore et encore au tiroir-caisse » est assez déplaisant. Que ce soit sur le principe ou parce qu’on trouve que les circuits/voitures sont chers, c’est clairement un des aspects répulsifs d’iRacing.
4- le système de « security rating » peut être frustrant…
Pour progresser, il faut une bonne connaissance et compréhension du fonctionnement du système de points qui gouverne le « security rating » (ce ratio est déterminant pour l’obtention des licences permettant de s’aligner dans les différents championnats organisés par FIRST, l’organisme sportif mis en place par iRacing).
En effet, l’environnement de compétition qui est proposé (et qui est le seul moyen d’utiliser effectivement cette simulation) peut apparaitre comme complexe, rigide et générateur de frustration s’il n’est pas présenté et expliqué de manière adéquate.
Le principe du SR (« security rating », votre « note de sécurité ») est bon mais son application peut parfois être frustrante : si vous êtes percuté par un concurrent lors d’une course, vous allez perdre 4 points sur votre SR comme lui… Alors que vous estimez légitimement que vous n’y êtes pour rien puisque la faute revient logiquement à celui qui vous a touché !
Certes mais c’est déjà difficile à juger pour des juges humains alors imaginez la complexité pour un logiciel… Les concepteurs d’iRacing ont donc opté pour un principe de sévérité maximum.
A long terme, je pense effectivement que c’est un bon calcul mais, certaines fois, ça peut être terriblement frustrant !
Une anecdote pour illustrer cela : ce mardi, je disputais une course dans le cadre du championnat Skip Barber. Les choses se présentaient plutôt bien puisque j’étais 3ème au moment d’entamer le dernier tour. Derrière moi, une meute de pilotes a réussi à me recoller et le finish va être serré… à deux virages de la fin, je suis poussé hors de la piste !
Je repars tout de même pour terminer 6ème (première frustration : je manque le podium) mais, en plus, j’ai perdu 7 points à mon SR (seconde frustration : je suis puni alors que pas fautif, selon moi…) : 4 points de contact, 2 points de perte de contrôle et un point pour le hors piste… Difficile de faire pire.
L’australien qui m’a poussé s’est excusé ensuite via la messagerie du forum mais voilà une illustration de ce qui peut arriver. Si vous n’êtes pas prêt pour ce genre de situation, c’est que vous n’êtes pas prêt pour la bagarre en paquet, tout simplement…
6- modding impossible
C’est affiché clairement par les concepteur d’iRacing : pas de modding avec eux !
Les concepteurs ont le parti-pris de tout maitriser eux-mêmes : modélisation au laser des tracés (uniquement des tracés réels et dans leur configuration actuelle) et modélisation fidèle des voitures après accord et licence avec les constructeurs.
Cela veut dire que iRacing ne va pas profiter des formidables ressources de la communauté très active des moddeurs et c’est bien dommage…
7- choix voitures/circuits limités
Du coup, de part le choix d’interdire le modding, le choix des voitures/circuits est forcément limité. Pas question de pouvoir rouler sur une circuit qui n’existe plus.
Oubliez l’idée de rouler avec une Porsche GT3 tant que les concepteurs d’iRacing n’auront pas signer un accord avec Porsche et scanner la voiture sous toutes les coutures.
8- système de licence contraignant
Le système de licence et de security rating en place est un principe vertueux mais aussi bien contraignant… N’imaginez pas pouvoir débuter dans iRacing et pouvoir d’entrée de jeu disputer le championnat de votre avec la voiture qui vous plait le plus (même si vous l’avez acheté !) : il faut d’abord sortir du statut « rookie » (débutant), faire ses classes et faire ses preuves pour accéder aux vraies licences et pouvoir participer aux championnats avec les meilleurs.
C’est vrai que l’investissement de départ (non financier cette fois) est important et la pente à grimper peut sembler rude à quelques-uns, inutile pour la plupart qui sont déjà rompus à la compétition online avec des palmarès éloquents mais il n’y a pas de court-circuit possible : vous commencez comme Rookie et vous le rester tant que votre SR ne progresse pas nettement (et c’est pas si facile, vous allez vous en apercevoir…).
9- logiciel non-achevé
Dernier point noir : iRacing n’est pas -encore- une solution totalement achevée.
Le logiciel fonctionne bien (mais il est exigeant en ressources, prévoir obligatoirement un PC de bon niveau…), les bugs sont plutôt rares mais les lacunes sont bien là : les drapeaux jaunes ne sont pas gérés, les replays ne s’enregistrent pas, les chronos partiels ne s’affichent pas et ainsi de suite… La liste est longue et elle peut être choquante !
Espérons que la version qui sera mise en ligne pour l’ouverture officielle du 26 août (c’est bientôt !) comblera tout ou partie de cette litanie car, sinon, la démarche serait un peu légère…
J’aurais également pu ajouter que les contacts humains sont moins favorisés que dans le ligues (et c’est vrai que, pour le moment, c’est moins chaleureux) mais là aussi, il y a le potentiel pour que ça soit aussi bien sinon mieux quand dans les ligues le jour où les fonctions de type réseaux sociaux seront plus et mieux développées…
Voilà, j’ai récapitulé les principaux points noirs de la solution proposée actuellement par iRacing. Mais, il faut garder en tête qu’il ne s’agit pas d’une solution comparable point par point à Rfactor (car alors, Rfactor gagne sur de nombreux tableaux) mais bien d’une approche radicalement différente et où les « défauts » deviennent plus ou moins les contreparties incontournables des choix effectués.
En effet, c’est parce que le SR est contraignant et va être frustrant qu’on va faire particulièrement attention à son comportement en piste !
Le modding est banni mais c’est ainsi que le fonctionnement va être maitrisé et ainsi de suite.
iRacing ne prétend pas devenir tout pour tout le monde mais va sans doute devenir l’environnement de compétition online prédominant si des évolutions souhaitables voient le jour rapidement :
– il faudrait que les voitures/circuits supplémentaires puissent être revendus sur une « marketplace » => cela permettrait d’atténuer le coût d’acquisition et cela permettrait certaines formes de sponsoring
– il faut que les lacunes soient comblées et que le rythme d’évolution de la solution ne faiblisse pas => c’est la contrepartie légitime au principe de la location par rapport à la vente « une fois ».
Sur ce dernier point, on a vu dans le domaine de l’informatique une évolution comparable : la vente de licence de logiciels est en train de se restreindre au profit de la location de solutions online, prêtes à l’emploi sans installation. En effet, on a constaté que les éditeurs étaient plus motivé à vous vendre la prochaine release de leur logiciel que de corriger et de faire évoluer celle qu’ils vous ont déjà vendu…
La proposition de valeur est inversée dans le cas de la location : il s’agit alors de vous garder fidèle et seule des évolutions régulières (et allant dans le bon sens) y contribuent.